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voyage onirique en irlande
18 décembre 2012

La tragédie, c'est de garder les yeux secs

Tu sais parfois, quand t'es triste, parfois, quand ça t'arrive, tu veux pleurer. Enfin non c'est pas exactement ça, tu ne veux pas pleurer, c'est pas cool de pleurer, mais ya quelque chose dans ton ventre, dans tes poumons, dans ta gorge, dans ta bouche, dans tes lèvres (en fait, la tristesse, les larmes, les sanglots, ça passe par tout ton système respiratoire, avant d'arriver dans tes yeux) qui veut sortir, qui veut jaillir. L'effet d'une implosion, tu vois?

Bah parfois, quand ça t'arrive, tu te prends pour une héroïne tragique. Parfois, tes yeux restent secs. Tu voudrais rester de marbre blanc, glaciale et muette comme ta propre tombe, et ne rien montrer du volcan qui t'habite, de l'ouragan qui souffle en toi. Parce que les héroïnes tragiques, elles ne pleurent pas. Elles crient, avant de mourir, en silence, comme des bulles de savon.

Oui, parce qu'en vrai, j'ai trouvé mon rôle dans la vie. Je dois m'efforcer d'être une bulle. Une bulle de savon.Légère et éphémère. Transparente et scintillante. Multicolore. Qui n'a qu'un objectif : se laisser porter par le vent, pour faire rire les enfants et faire rêver les rêveurs. Et quand j'exploserai, ça fera Paf! ça sera tout frais et ça sentira bon.

Donc quand tu te sens comme une héroïne tragique, quand ton coeur implose et que ton corps ne bouge pas d'un cil, quand la chose qui est en toi crie pour sortir mais que personne ne l'entend, tu as du mal à retenir un rictus. Une contraction musculaire qui vient parer ton visage, tes lèvres. Elle ne dure qu'une fraction de seconde. Mais elle est là, tu la sens longtemps après sa disparition. Longtemps après que les pores de ta peau se soient lissés et que ton visage d'héroïne tragique soit redevenu intact. Tu l'as laissé échappé, celui-là. Parce que tu sais, tu es une actrice, certes, mais une actrice sans talent. 

Ce qui compte, dans la tragédie, c'est de garder les yeux secs.

Et puis à la fin de cette fraction de seconde, où tout un monde s'est réfugié, où une éternité a éclos, où tu as prouvé au monde entier qui habite ton corps que tu as bien l'allure d'une héroïne tragique, il ne reste sur ton visage que l'ombre d'une feuille de carbone. Tu sais, parfois, quand tu jettes une feuille de journal au feu, elle reste intacte. Juste noircie, mais entière. Et puis quand tu veux la saisir, croyant à une rescapée, elle s'évapore, elle s'émiette, et ne laisse sur tes mains qu'une trace noire. Une feuille de carbone. Ton visage est devenu une feuille de carbone. 

Mais c'est pas grave, parce que ce qui compte, dans la tragédie, c'est de garder les yeux secs.

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